Snapchat – Oulipo du digital

Avant-propos

ANNONCEUR — J’en ai ma claque des réseaux sociaux. J’y comprends rien, ça n’arrête pas de changer. Il y a 6 ou 7 ans, on nous mettait la pression pour communiquer sur Facebook. Et maintenant que j’y suis, on me dit : « Quoi ? T’es pas sur Snapchat ? Mais attends, c’est hyper important ! »

AGENCE — (surpris) Euh…

ANNONCEUR — Attends, mais j’ai pourtant fait plein d’efforts ! Des formations au social media, j’ai créé ma page Facebook, un service client sur Twitter … j’ai même engagé un community manager ! Regarde, j’ai 3000 followers. Franchement, j’ai mis du temps mais je maîtrise grave.

AGENCE — Woaw… c’est vachement bien.

ANNONCEUR — Bon, c’est quoi Snapchat ? J’ai l’impression qu’on nous laisse aucune place. Au moins sur Facebook, je pouvais faire de la promo, éditer du contenu (regarde ma super vidéo, on est allé à la rencontre de nos employés pour raconter l’histoire de la boite. C’est top !). Sur Facebook, quand je fais de la pub, je peux mesurer mon ROI. Sur Snap, il y a 0 espace pour la pub, c’est quoi l’intérêt ?

AGENCE — C’est justement qu’il y a encore peu de pub sur Snap. C’est tout l’intérêt ! C’est un espace dédié à la création ?

ANNONCEUR — Ouais, donc ça sert à rien !

De la contrainte naît la créativité

Pour bien appréhender le potentiel de Snapchat, il faut déjà arrêter de mettre tous les « réseaux sociaux » dans le même sac. Chaque plate-forme est un dispositif obéissant à ses propres codes. De plus, Snapchat s’est construit précisément à l’inverse de ses aînés, en particulier de Facebook. Si les deux réseaux obéissent à des contraintes de financement similaires et axent leur modèle d’affaire sur les revenus publicitaires, il existe une différence majeure entre les deux : Facebook offre une certaine visibilité au contenu publicitaire traditionnel alors que Snapchat contraint l’annonceur à la créativité. Pour faire simple, oubliez les gros macarons  « -50% » à l’ancienne sur Snapchat ; ce n’est pas le lieu. Dans cet article, je laisse volontairement de côté le business model de Snapchat (et en particulier sa fonctionnalité Discover) pour me focaliser sur ce qui fait véritablement sa force et la frustration des annonceurs : Snapchat contraint à la créativité.

Les règles du jeu

Du côté des utilisateurs, c’est tout bénef : on leur met gratuitement à disposition une salle de jeu numérique et sociale. Ce jeu est composé de règles (la plus marquante étant la dimension éphémère du message) invitant les utilisateurs à partager du contenu créatif avec leurs contacts. Pour qu’un terrain de jeu soit fun, il lui faut proposer des attractions. Une partie de celles-ci est conçue par Snapchat : des filtres, des stories et autres fonctionnalités pour personnaliser et enrichir le message iconographique originel. Or un autre acteur est invité à enrichir l’expérience utilisateur pour repenser les règles et les attractions. Vous l’avez deviné, il s’agit des marques. La logique n’est plus à la simple visibilité du message publicitaire : sur Snap, la co-création écrase la promotion. Terminée la consommation plus ou moins passive du contenu de marque, place à la contribution de l’utilisateur dans le processus de création.

Concrètement, ça donne quoi ?

illustration 1 snapchat | agence West

Prenons un exemple récent. Il y a quelques semaines, le service de VoD Netflix a lancé sa dernière campagne d’affichage dans de nombreuses stations de métros en France. L’affiche en question a très probablement attiré votre attention : on y retrouve les figures emblématiques des principales séries produites par Netflix : de Pablito Escobar arborant fièrement sa moustache, à Piper (Orange is the New Black) qui se la joue un peu Mona Lisa. L’affiche invite le passant à réinventer ses stories avec les héros de Netflix à travers sa dernière fonctionnalité Ciseau. Celle-ci permet de créer ses propres stickers en détourant l’article choisi avant de le coller dans sa story. On a là l’exemple d’une nouvelle règle du jeu proposée par Snapchat (la fonctionnalité ciseau) qui donne lieu à une nouvelle attraction (les stickers Netflix) pour donner à l’utilisateur l’occasion d’exprimer sa créativité dans son usage de la plateforme. Notons que Netflix n’en est pas à sa première expérience sur Snapchat, l’an dernier, le producteur américain s’était déjà fait remarquer en proposant à son audience d’effectuer un faceswap avec leurs héros sur Snapchat.

À retenir

On est là dans une win-win situation : l’utilisateur voit son terrain de jeu s’agrandir, Snapchat propose depuis sa plateforme une expérience supplémentaire et la marque crée un lien particulier avec son audience, tout en bénéficiant des retombées médiatiques positives de son opération de communication.